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SUPERHOST 2022 – Par où commencer ? par FALKE PISANO

Superhost

13 Jan 2022 - 15 Jan 2023

Where Should We Begin? / Par où commencer ?

Falke Pisano

Superhost 2022

M HKA 6e étage
Installation in situ et une série d’événements performatifs

Lancement public : le 17 février 2022

Les mises à jour du programme sont disponibles toute l’année sur : whereshouldwebegin.info

Découvrez comment l’espace superhost a été mis à jour au cours de l’été et écoutez le nouveau podcast avec RA Walden introduisant une nouvelle langue

Commissaires du projet : Anne-Claire Schmitz et Joanna Zielińska

Superhost est un programme à travers lequel le M HKA s’engage un an durant dans une relation entre un·e artiste ou un collectif d’artistes, l’institution et ses différentes communautés participantes, et soutient par ailleurs l’artiste ou le collectif dans la production d’œuvres d’art et dans la réalisation de créations performatives ou discursives.

Superhost 2022, la deuxième édition de la série, est un projet de Falke Pisano intitulé Where Should We Begin? [Par où commencer ?]. La proposition de l’artiste comporte une installation in situ, des présentations d’œuvres d’artistes invité·e·s, des pièces performatives, des conférences, des projections, des interviews et des ateliers animés par l’hôte·sse et ses invité·e·s tout au long de l’année.

Where Should We Begin? est un projet de recherche continu et stratifié (pratique, conversationnel et artistique) autour des conditions de travail dans le domaine de l’art, et en particulier sur le travail qu’entraîne la programmation publique dans des institutions d’art. Effectuée au sein du musée, cette recherche a pour objectif la déconstruction d’idéaux discursifs et de réalités matérielles en vue de découvrir de quelle manière différent·e·s praticien·ne·s s’approprient un espace pour l’imaginaire et le désir tout en négociant sciemment les conditions de travail dans lesquelles ils ou elles travaillent.

Les commissaires de Superhost ont interviewé Falke Pisano à propos de son œuvre et de son approche à la veille de leur collaboration d’un an.

Commissaires de Superhost : Chaque année, un ou une artiste ou un collectif est invité·e à être le ou la Superhost du M HKA. Quel sens cela a-t-il pour vous d’être notre Superhost, et comment souhaitez-vous travailler au sein de la double position de l’hôte qui est autant partenaire invitant et invité dans ce projet ?

Falke Pisano : Être à la fois hôte et invité, ou le contraire, est une position complexe qui se prête à un examen très intéressant quant aux responsabilités, aux attentes et aux désirs. Bien sûr, être un·e bon·ne hôte·sse ne signifie pas toujours être un·e invité·e commode ! Surtout lorsqu’il s’agit de travail et en particulier dans un domaine qui est notoirement inaccessible et qui repose en grande partie sur des free-lances précaires. Donc, comme je ne gère pas bien les tensions qui ne sont pas explicites, j’ai choisi cette complexité comme point de départ du programme.

Commissaires de Superhost : Pourriez-vous expliquer de quelle façon votre compréhension des relations avec les institutions, mais aussi avec les publics, a évolué au fil des années en tant qu’artiste ?

FP : Je dirais que cette relation s’est révélée assez cohérente depuis de nombreuses années – j’ai considéré les institutions en premier lieu comme des infrastructures et des espaces pour exposer et contextualiser mon travail, dans le meilleur des cas avec un·e commissaire avec lequel ou laquelle j’avais des affinités – jusqu’à ce que je revienne en 2017 aux Pays-Bas, après une décennie à l’étranger. C’est peut-être intéressant par rapport au rôle d’invitée. Je suis plus âgée, je suis dans un contexte que je connais très bien et où je me sens soutenue à plusieurs niveaux. Cela m’a permis d’avoir des relations différentes avec les institutions. Le fait de commencer à enseigner et d’échanger davantage avec de jeunes générations d’artistes a véritablement changé ma perspective et mon sens des responsabilités aussi. Et n’oublions pas deux années de pandémie mondiale et une prise de conscience accrue du racisme structurel et de la violence (sexuelle) qui existent au sein des institutions. J’ai donc consacré moins de temps à ma pratique individuelle et plus de temps à différentes choses que je qualifie en général (pour moi-même) de « travail institutionnel ». Il ne s’agit pas de travail pour des institutions en tant que telles, mais plutôt de travail qui concerne la strate institutionnelle du domaine artistique : comment fonctionnent les institutions artistiques (éducatives), quelles sont les préoccupations de celles et ceux qui y travaillent, et comment ces préoccupations se rapportent-elles à l’écologie institutionnelle, à l’infrastructure, à l’ensemble des relations internes et externes, aux modèles de production, de présentation et de diffusion, etc.

Commissaires de Superhost : Vous prenez l’espace comme point de départ. Celui-ci accueillera des événements et différents invités, mais il y a aussi une partie moins visible pour le public, comme votre collaboration avec un artiste et astrologue et avec un commissaire qui travaille avec des pratiques de soins, au sein et en dehors du champ artistique… Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur leur implication ?

FP : J’ai demandé à deux personnes qui connaissent le domaine de l’art, mais dont les connaissances professionnelles s’étendent aussi au-delà des arts, de me soutenir, de nous soutenir, dans le processus collaboratif. Il est difficile de travailler de concert pendant plus d’un an à un tel projet tout en comprenant et respectant nos capacités, nos besoins, nos attentes, nos désirs respectifs… Personnellement, je ne suis pas capable d’accorder à cet aspect la qualité d’attention qu’il mérite, mais ces personnes le font. Toutes deux guident les gens à travers des situations chargées d’émotions et difficiles à articuler. J’espère qu’on en apprendra quelque chose qu’on pourra partager lors d’autres collaborations. Mais j’aime qu’on accomplisse beaucoup de choses à la fois, donc il y a plusieurs raisons pour leur engagement « en coulisses ». Autour de moi, je constate que les demandes croissantes et légitimes de sollicitude (outre une rémunération équitable) se heurtent aux ressources et aux capacités disponibles. Je suis intriguée par ce qui se déroule en ce temps de goulot d’étranglement et par la manière dont nous allons le traverser. Et pour l’examiner, j’ai distribué une partie du budget normalement consacré à un événement public ou à une œuvre d’art à ce processus de soutien plutôt spécifique.
Mais la question du statut de cette œuvre non publique montre aussi que malgré la valeur accordée à l’idée de processus, de soin, d’attention, etc., dans le monde de l’art, celle-ci est souvent liée à la visibilité publique. Pourrait-on dire que la visibilité publique est la porte d’accès à de la valeur ? Ce qui n’est sans doute pas si étrange dans le cas de l’art. Mais quand une chose prend de la valeur dès lors qu’elle devient publique… Je m’intéresse vraiment à la façon dont des systèmes de valeurs qui n’ont rien à voir avec le processus et le soin, par exemple, s’en emparent et en font autre chose à vrai dire.

Commissaires de Superhost : Pourriez-vous résumer les notions clés portées par ce projet ?

FP : Je peux peut-être le formuler sous forme de questions. L’une des questions est la suivante : quel est le coût de main-d’œuvre d’un programme public d’une durée d’un an ?

Commissaires de Superhost : D’accord, c’en est une.

FP : La deuxième question est: peut-on se le permettre ? Une autre est: que considère-t-on comme de la main-d’œuvre dans le cadre d’un tel projet ?

Commissaires de Superhost: Et comment concevez-vous la notion de travail ?

FP: Il s’agit aussi de ce qui façonne le travail qu’on accomplit. Quand on élabore et produit des événements publics ou des expositions, quelles sont les forces en jeu qui façonnent ce qu’on fait et les décisions qu’on prend ? On accorde de la valeur aux choses qu’on trouve importantes, mais on travaille aussi dans un système qui donne de la valeur (souvent différente) à des choses similaires. Quelles en sont les frictions et comment y faire face ? Et une autre question est : comment ne pas intérioriser et individualiser les choses qui ne fonctionnent pas dans ce système de production? Comment partager des expériences liées aux conditions de travail ? Finalement, en ce qui me concerne, c’est une question de risque : comment mutualiser le risque ? On prend tous, tout le temps, des risques et on tente d’en individualiser une grande partie.

Commissaires de Superhost : Votre pratique consiste aussi à être très transparente, à rendre les choses visibles et à partager l’attention ou un niveau d’attention pour certaines choses. Je comprends que votre proposition est d’être transparente sur vos préoccupations, vos intérêts, vos doutes, votre processus et vos relations en tant qu’artiste.

FP : Oui, je pense que c’est une très bonne description.

Conversation tenue en janvier 2021 entre Anne-Claire Schmitz, Joanna Zielińska et Falke Pisano. La version intégrale de cette conversation peut être lue dans le guide du visiteur de Superhost.

À propos de l’artiste

Falke Pisano vit et travaille à Rotterdam. Sa pratique englobe la sculpture, l’installation, la performance, la vidéo et des publications d’artistes. Sa pratique artistique examine les manières dont les systèmes de pensée sont structurés, formalisés et finalement présentés comme étant naturels. Ses séries d’œuvres sont le fruit de cycles de recherche à long terme qui approfondissent des sujets spécifiques et sapent les cadres de connaissance conventionnels en provoquant un échange continu entre langages, idées, matériaux et formes.

Pisano déclare : « Je m’intéresse à la manière dont nous parvenons à connaître le monde, à la manière dont nous développons la capacité de porter un regard critique sur ce monde, de tolérer de plus en plus de complexité et de sans cesse adapter notre vision du monde (et notre image de soi). Je m’intéresse à la manière dont, en réfléchissant et en spéculant constamment sur notre position et notre capacité d’agir dans ce monde, nous pouvons lentement développer des méthodes, des interventions et des formes d’organisation qui vont au-delà des propositions purement esthétiques et représentatives, mais qui portent toujours la puissance de l’imagination et qui permette à la fois de relier de façon inattendue, ou de manière fonctionnelle non optimisée, différents modes de pensée (théoriques, poétiques et pratiques) et d’action (imagination, articulation, mouvement, organisation, création, activité). »